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Alain Dumas, Directeur général de Le Panier Bleu, nous accorde une entrevue virtuelle et nous révèle sa vision pour l’avenir des épiciers après la pandémie. Avec plus de 32 ans d’expérience dans le commerce de détail dont de nombreuses années en tant que Directeur principal, Stratégie numérique nationale chez Sobeys et Vice-Président, marketing et stratégie numérique chez Aubainerie, il souligne le travail extraordinaire des employés qui sont dédier à livrer les produits et services à la population malgré les risques pour leur santé et partage son point de vue sur les changements importants qui bouleversent l’industries des épiciers et alimentaire.

Depuis le début de la crise sanitaire, quels sont les problèmes majeurs rencontrés par les épiciers ?

En fait, les problèmes sont divers. En 2003, quand il y a eu le SRAS, nous avions travaillé avec le Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) pour faire un exercice de simulation en cas de pandémie. La plupart des défis que je vois en ce moment étaient les difficultés que nous avions relevés à ce moment-là. C’est-à-dire :

  • Des problèmes avec la main d’œuvre
  • Difficulté avec tout ce qui est de la salubrité à l’intérieur
  • L’explosion du commerce électronique
  • Et les problèmes d’approvisionnement

En temps normal, les magasins auraient pu opérer de façon normal et probablement réussi à combler la croissance des commandes en ligne. Je pense que ce qui est arrivé est comme l’alignement des mauvaises planètes. C’est-à-dire que tout est arrivé en même temps. La pandémie a fait que les ventes ont non seulement augmenté en ligne, mais elles ont aussi augmenté de 30% en magasin. De plus, des employés ont commencé à tomber malade. Le commerce électronique aurait bien pu augmenter à 6-7% des ventes, 93% des ventes se seraient toujours faits en personne.

Quelles sont les décisions que les épiciers ont prises pour faire face à ces défis ?

Je pense que les épiciers ont assez bien réagi malgré tout. Cependant, il est plus rapide d’adapter les procédures en magasin que le commerce électronique et la chaîne d’approvisionnement. Par exemple, il est possible de s’adapter en quelques jours au niveau de la distanciation entre les employés et les clients, d’installer des plexiglass, de mettre des flèches par terre pour faciliter la circulation, instaurer des règles pour maintenir les clients à l’extérieur, etc.

En revanche, il est plus difficile de s’adapter lorsque le volume de commandes bondit et atteint des prédictions que nous pensions seulement avoir dans 5 ans. Cela cause énormément de problème au niveau du système de commerce électronique, du système de livraison, les infrastructures informatiques et logistiques, etc.

L’approvisionnement comprend aussi certains risques. Par exemple, lorsque tout le monde s’est mis à acheter du papier de toilette par exemple, ils ont dû parer à la problématique pour éviter les ruptures de stocks. Afin garantir la disponibilité des produits face à la demande, certains épiciers ont dû se retourner vers les plus gros fournisseurs à défaut d’offrir moins de choix en magasin.

Quelles autres actions peuvent être mises en place rapidement par les épiciers ?

Il y a plusieurs choses qui peuvent être faites. IGA a notamment lancé un autre site de commerce électronique avec moins de produits disponibles en ligne. Cela offre l’avantage de :

  1. Réduire le flux sur le site principal,
  2. Offrir des offres plus ciblées avec des stocks garantis,
  3. Et de pouvoir faire des commandes standardisées qui permettent de faciliter l’assemblage des commandes et de les préparer beaucoup plus rapidement.

Il est aussi possible de modifier les calendriers de livraison pour offrir plus de flexibilité aux employés qui préparent les commandes et aux livreurs. Souvent les calendriers de livraison offrent des plages horaires d’une heure ou deux, quant au fond, les gens sont confinés à la maison et sont disponibles toute la journée. Les plages pourraient être, par exemple, les lundis, mardis et mercredis au complet.

Il est aussi possible de mettre en place un système de répartition automatisée avancée qui permet de gérer les livraisons efficacement et d’optimiser les trajets afin d’éviter les allers-retours.

Quelles tactiques peuvent être mises en place pour aider les épiciers à gérer cette complexité ?

Il est possible d’adopter une approche un peu hybride. Un épicier peut tirer parti d’un local vide ou d’un magasin situé dans un grand centre urbain pour créer une centrale de distribution locale. Les inventaires peuvent être stockés et les commandes assemblées à cet endroit, à l’extérieur des magasins. La région de Montréal, par exemple, équivaut à environ 50 à 60% des commandes du Québec. Il peut donc être efficace de desservir certaine géographie où la population est dense à partir d’un emplacement centralisé.

Volume des commandes du Québec par région

Il est aussi possible de faciliter la gestion des systèmes en :

  • Réduisant la quantité de produits disponibles en ligne,
  • Et en gérant les inventaires adéquatement pour garantir la disponibilité de certains produits.

Ce n’est pas mauvais d’avoir une gamme de produits très profonde. Cependant, dans une période comme la pandémie de la COVID-19, les clients momentanément ne s’attendent plus au même niveau de service. Les épiceries en ligne auraient très bien pu passer de 25,000 à 5,000 produits et personne ne se serait plaint. Avec des bases de données de 20,000 à 30,000 produits, il peut aussi être très difficiles pour le consommateur de magasiner dans un catalogue aussi large. Par ailleurs, 75% d’une commande est identique d’une semaine à une autre.

Il ne faut pas trop réduire le catalogue non plus, car cela peut être limitatif pour le consommateur. Une idée pour faciliter la façon de magasiner pourrait être d’offrir une sélection de produits meilleurs vendeurs et ensuite, complémenter avec l’ensemble des produits.

Est-ce que l’adoption de l’épicerie en ligne va progresser ? C’est-à-dire, est-ce que certaines personnes qui l’ont testé pendant la crise de la COVID-19 vont continuer ou vont-ils retourner magasiner physiquement ?

Certaines personnes prendront sans doute un peu plus de temps avant de se déconfiner, mais je pense que la réouverture des magasins va créer une sorte d’euphorie du consommateur qui entraînera les gens à retourner dans les magasins. C’est l’impression que j’ai.

Il faut aussi noter que l’épicerie en ligne est aussi très cyclique en fonction des saisons. L’été n’est habituellement pas une bonne saison pour l’épicerie en ligne parce que les gens ne magasinent pas de la même façon. Ce qui aide beaucoup le commerce en ligne en ce moment, c’est que les gens ne rentrent pas comme ils le désirent au magasin. Ils sont obligés de se mettre en ligne. La journée où ils n’auront plus besoin de se mettre en ligne pour revenir en magasin, j’ai l’impression que les ventes en ligne vont chutées, surtout au courant de l’été.

Un effet indirect la COVID-19 pour l’épicerie en ligne, c’est que cela a formé les clients à l’utiliser. La première fois, l’expérience peut être compliqué, mais au fur et à mesure, cela devient de plus en plus simple. Les produits achetés de manière régulière sont mis dans une banque à part, ce qui permet de compléter une commande très rapidement. Cela va faire qu’une certaine portion des consommateurs vont continuer à acheter en ligne parce qu’ils sont maintenant habitués et ils vont trouver que ça va très vite. Les gens ont peut-être aussi présentement une plus grande tolérance vis-à-vis d’erreurs potentielles, car ils savent que les circonstances sont exceptionnelles. En conséquence, avec un changement du comportement des consommateurs, on va voir une croissance. Qu’elle soit importante ou pas, l’avenir nous le dira.

Les épiciers ont su répondre à l’urgence, mais il faut maintenant se préparer à l’avenir. En tant qu’épicier, quelles sont mes missions pour les prochains mois, voir années, qui suivent pour mettre en place une transformation qui permettrait d’être plus résilient en cas d’une autre crise ?

Je pense que les épiciers sont en bonne position en ce moment pour définir des modèles basés sur différents volumes et établir le point critique où il n’est plus possible de faire l’assemblage en magasin. L’idée est de faire un post-mortem et de déterminer le nombre de commandes en ligne qui est possible d’exécuter efficacement en magasin, la meilleure manière de les traiter (la nuit, le soir, etc.) et d’avoir un plan pour toutes les variables possibles.

Il y a des régions moins affectées par la hausse des commandes en ligne que, par exemple, Montréal. Certaines régions seraient sans doute capables de suffire à la demande, livrer à l’heure, etc. parce qu’ils reçoivent un nombre acceptable de commandes. En déterminant les emplacements qui sont incapables de gérer la hausse du volume, il est possible de tout de suite mettre des mesures tel que discutées plus haut : mettre en place un entrepôt ou diminuer le nombre de SKU. Avec un plan de contingence, les épiciers s’assureront de pouvoir gérer la demande de manière efficace en cas d’une autre pandémie.

Une fois que la COVID-19 va se résorber, je pense qu’il serait aussi intéressant de sonder les clients pour savoir ce qu’ils ont aimé ou pas aimé. Il y a énormément de données qui sont disponibles et peuvent permettre aux épiciers de se positionner pour l’avenir et de se préparer autant à une autre pandémie qu’à une augmentation de volume soudaine liée à une tempête de neige.

Si j’étais épicier, ce serait la première chose que je ferais.

Quel type de technologie est nécessaire pour mettre ces programmes en place et les moduler par région ?

Je recommanderais probablement de définir 5 modèles et trouver une plateforme qui parvient à supporter les cinq. Par exemple, il est possible d’avoir un entrepôt centralisé pour une région telle que Montréal et d’exécuter les commandes en magasins pour certaines régions plus petites comme l’Abitibi-Témiscamingue. J’ai même vu en Europe un magasin avec une mini-entrepôt automatisé à l’arrière pour stocker les articles non-périssables alors que les produits frais étaient conservés dans le magasin.

Ceci étant dit, la logistique sera différente, mais normalement la même plateforme de commerce électronique peut être utilisée partout. Par exemple, pour le magasin avec le mini-entrepôt derrière, les commandes devront être divisées en deux ; entre le frais et le non-périssable. La logistique est différente, mais c’est la même base de données pour les produits qui est toujours relié au point d’assemblage.

L'expérience usagé unique d'IGA

L’interface utilisateur doit rester la même. Si le magasin change de modèle d’affaire, passe à une vitesse supérieure et change d’outils logistiques, cela doit demeurer transparent pour l’usager. Il ne doit pas voir de différence et l’interface peut être la même pour toutes les solutions. Il faut juste que derrière cette interface soit très modulable et modulaire pour pouvoir intégrer toutes ces différentes plateformes logistiques.

Est-ce le bon moment pour investir ou faut-il attendre encore un petit peu pour amorcer cette transformation si elle n’a pas encore été faite ?

En fait, je dirais que la COVID-19 a réveillé beaucoup de monde. Ce qui est dommage et propre à l’industrie, c’est que les petites entreprises ont mieux réagi que les plus grandes parce qu’elles sont plus agiles et peuvent agir plus rapidement. À titre d’illustration, Hector Larivée, un grossiste alimentaire situé à Montréal, s’est mis à offrir de l’épicerie en ligne. Il a commencé le projet quand la COVID-19 a commencé avec un seul entrepôt d’où il fait la livraison à Montréal. Il a créé une application très simple et s’est mis à vendre en ligne. Il s’est automatiquement retrouvé à concurrencer les épiceries.

Le danger pour les grands épiciers, c’est qu’ils veulent parfois accrocher leur système de commerce électronique directement à leurs systèmes internes, par exemple SAP. À ce moment-là, la plateforme de ventes en ligne devient un peu pantouflarde comparativement aux petites entreprises qui eux ont beaucoup plus d’agilité.

En fait, je crois fortement que les systèmes doivent être modulaires. Chaque système a sa propre force et il faut créer des ponts entre les modules, mais ne pas attacher les ponts ensemble. C’est-à-dire, plutôt que d’être connecté directement à une base de données de produits, par exemple SAP, les informations devraient être envoyées dans un endroit ou la plateforme de commerce électronique peut aller se nourrir. Si la base de données change demain matin, cela n’affectera pas la plateforme de commerce électronique. D’autre part, s’il y a besoin d’apporter des modifications à la partie SAP du commerce électronique, on ne se confronte pas à l’équipe informatique derrière qui dit « négatif, ne touche pas à mon SAP ».

Je crois que c’est un problème récurrent pour les grandes entreprises. Tout a été mis en place pour optimiser les systèmes avec un maximum d’intégration. C’est une situation optimale dans un contexte où rien ne change. Cependant, au bout d’un moment lorsqu’ils veulent changer quelques choses, c’est là que les compagnies prennent du retard parce qu’ils se disent « on ne fait pas ça parce que ça coûte trop cher » et pendant ce temps, les petites entreprises le font.

Il faut continuellement faire évoluer sa plateforme pour arriver à répondre au marché. À l’époque, lorsqu’on changeait de système informatique dans le commerce de détail, on se disait « je suis bon pour 20 ans », mais ça ne marche plus comme ça.

Ce ne sont pas seulement les épiciers. Je l’ai vu aussi dans d’autres commerces de détail, comme le commerce de vêtements par exemple. C’est un réflexe des équipes TI de tout vouloir synchroniser avec le système maître. Mais avec un système maître, c’est le concept du maillon le plus faible. Ton système maître est celui qui est le moins agile normalement. Ce qu’il fait, c’est qu’il ralentisse tout.

Clairement, il faut avoir des systèmes qui sont beaucoup plus flexibles et indépendants les uns des autres. Ils doivent à la fois travailler ensemble, mais aussi être autonome. C’est là que les épiciers devraient théoriquement concentrer leurs efforts.

Outre la logistique et l’infrastructure TI, y a-t-il des outils, apps et processus qui peuvent permettre aux épiciers de gagner du temps et de simplifier l’échange d’informations ?

Il n’y a rien de plus efficace qu’un assemblage dans un entrepôt robotisé au niveau des coûts. Le fait d’assembler les commandes en magasin ajoute des coûts logistiques. Même en essayant de normaliser et d’automatiser, au lieu de faire 5% par exemple, tu vas faire 3%. De plus, il est prouvé que les gens achètent plus de spéciaux en ligne qu’en magasin parce qu’il est plus facile de les choisir. Les clients sont aussi moins portés à acheter des produits additionnels qu’en magasin. De 5 à 3% ça peut sembler petit quand seulement 1% des ventes sont en ligne, mais au fur et à mesure que les ventes en ligne prennent de l’importance, les marges bénéficiaires n’arrêtent pas de diminuer.

Une façon simple de palier à ce problème est de vendre en ligne à des prix différents. En s’affichant sous une bannière différente en ligne pour ne pas affecter l’image de marque des magasins, il est possible d’ajuster les pris en ligne et les gens n’ont pas de repère par rapport aux tarifs des circulaires ou ceux en magasin. Il est aussi possible de créer des mises en marché dynamiques au fur et à mesure que le les gens remplissent leur panier pour s’assurer que la commande soit rentable au moment de passer à la caisse.

Je pense que le modèle d’affaire pour l’épicerie en ligne devrait être modifiée en profondeur. Ça devrait être un service en parallèle avec sa propre mise en marché. Ça ne devrait pas être la même mise en marché qu’en magasin.

S’il y a des enjeux avec la marque et qu’il n’est pas possible de lancer un site électronique sous une bannière différente, il y a toujours la possibilité d’ajouter des frais d’emballage et de livraison afin de conserver les mêmes prix qu’en circulaire et en magasin.

Faire son épicerie durant la COVID-19

Est-ce que cette crise va aussi pousser les gens à consommer plus local ?

En ce moment, il y a une sensibilisation très forte alors que les gens sont confinés à la maison. On peut d’ailleurs voir cette tendance partout dans le monde. J’ose croire qu’il va y avoir une sensibilisation supplémentaire.

Les manufacturiers ont aussi un grand rôle à jouer. C’est-à-dire, d’afficher clairement que leurs produits sont d’ici, etc. Je crois qu’en ce moment il y a une sympathie générale là-dessus, mais une fois que les gens retourneront à la normale, il ne faut pas qu’ils oublient et le meilleur moyen est de le répéter sans arrêt.

Pour les épiciers qui ont une implémentation sur plusieurs régions ou pays dans le monde, devraient-ils opter pour une plateforme commune ou avoir des systèmes différents selon les spécificités ?

Au niveau des systèmes généraux comme SAP par exemple ou les ERP, il y a certainement un intérêt à standardiser pour avoir une structure uniforme au niveau de la facturation, entente avec tes fournisseurs, etc. Pour le commerce électronique, j’aurais tendance à choisir aussi une approche uniforme avec le même système dans différents pays.

Tout ce qui est de la gestion et l’exécution des commandes, je garderais aussi le même système. Il y a des différences pour la logistique, mais avec un système qui peut gérer 10 ou 15 permutations, toutes les façons de faire la logistique auront sans doute été couvertes.

Est-ce qu’il y a d’autres tendances qui semblent se dessiner ?

C’est certain qui va y avoir un avant et un après COVID-19. Il est difficile de prévoir exactement ce qui peut arriver. Je ne voudrais pas prédire la mort de l’argent liquide, mais la pandémie et la popularité du « sans contact » ont comme donné un coup à l’argent liquide. Je me suis retrouvé au dépanneur l’autre fois, le lecteur de carte de débit ne fonctionnait pas et il fallait payer comptant. J’étais chanceux d’avoir de l’argent comptant avoir dans mes poches parce que ça doit faire plus de deux mois que je ne m’en étais pas servi. L’employé était obligé d’aviser tous les clients qui entraient.

D’après moi, ça va continuer. C’est une tendance qui va probablement rester parce que les gens se sont habitués.

Il y a aussi le « buy online, pick-up in store » qui progresse beaucoup.

Dans l’alimentation, j’ai vu énormément de joueurs arriver au niveau de l’épicerie en ligne. J’ai vu des compagnies qui faisaient par exemple uniquement de la viande en ligne et puis depuis le début de la COVID-19, ils ont ajouté des produits d’épicerie à leur gamme de produits. La quantité d’offres d’épicerie en ligne a fortement augmenté et ces offres-là vont rester après. Les grands épiciers vont avoir de plus en plus de concurrences de la part de ces petits joueurs.

Cela crée aussi une opportunité pour les manufacturiers. Les distributeurs et les épiciers ont le gros bout du bâton avec les fournisseurs au niveau de la négociation. Il peut donc s’avérer intéressant pour les fournisseurs d’aller vers ces réseaux parallèles. Ils pourraient être en mesure de négocier un meilleur rendement. J’ai l’impression qu’on va voir la multiplication de réseaux parallèles au niveau de l’épicerie.

Également, il ne faut pas ignorer que de nombreux restaurants se sont mis à offrir la livraison pendant la COVID-19. Ce sont tous des nouveaux concurrents à l’épicerie.

Les grands épiciers sont devenus très lourds parce qu’ils ont optimisé leurs systèmes comme je le disais tout à l’heure, ce qui fait qu’il demande à leurs fournisseurs de devenir comme eux, très lourds aussi. Les fournisseurs ne doivent pas perdre de vue les nouveaux modèles d’affaire qui s’offrent à eux. Ils peuvent garder une partie de leur volume en recherche et développement pour faire affaire avec ces petites compagnies. Éventuellement, le compétiteur qui va vraiment faire mal aux épiciers, ça ne sera pas un autre grand épicier, mais ça va être un nouveau joueur du champ gauche et on va se dire « on n’a jamais pensé à ça ». Les manufacturiers, par exemple Procter&Gamble, cherche depuis des années des moyens de vendre directement aux consommateurs. Il faut continuer à investir car le potentiel est énorme !

Dans cette période, y a-t-il des acteurs majeurs de l’épicerie qui ont entamé une transformation et qui sont bien positionné pour prendre de l’avance par rapport aux autres qui sont un peu plus réticents aux changements ?

Je dirais que tout va venir d’un post-mortem après la COVID-19. En ce moment, les ventes chez Sobeys sont en croissance et toutes les ressources sont sans doute déployées pour parvenir à gérer ce volume. Ce n’est pas le bon moment pour commencer une transformation.

Certains épiciers essayent aussi d’offrir des kits repas prêt-à-cuisiner pour concurrencer les GoodFood et HelloFresh de ce monde. Cependant, ce sont des entreprises trop lourdes. Il faudrait qu’ils puissent continuer d’opérer ces divisions de manière parallèle comme des start-up.

Dans les 20 dernières années, les grands distributeurs au Québec sont passé de 84% de part de marché à 68%. Leur réflexe est toujours d’optimiser alors qu’ils cherchent à générer le même volume et le même retour sur investissement. Cependant, en bout de ligne, il y a des nouvelles ventes qui s’envolent ailleurs tout le temps.

Part de marché des grands distributeurs au Québec

Les pharmacies au Québec se sont mises à vendre de l’alimentation. Loblaws a acheté Pharmaprix. Ils se sont dit « plutôt que de se faire concurrence, nous allons nous assurer de les desservir. » Métro a acheté Jean Coutu, Première Moisson et Adonis aussi. Lorsqu’ils voient des petites niches comme celles-là qui se développent, ils les rachètent.

Il y a de plus en plus de réseaux parallèles. Ce que nous vivons au Québec se vit aussi ailleurs.

En Europe, est-ce qu’il y a aussi une tendance vers le commerce électronique ?

Je ne peux pas juger à 100% de leur modèle, mais, ce que je vois de l’extérieur, c’est qu’ils parviennent à aller chercher beaucoup de croissance en exportant leur modèle d’affaire ailleurs. Chose qui est plus difficile ici ; au Canada et aux États-Unis. Carrefour est aussi en Amérique du Sud, dans d’autres pays. Ils ont beaucoup de potentiel à aller à l’étranger. Cela affecte sans doute leur modèle un peu.

Je sais qu’en France et en Angleterre le commerce électronique est une guerre sans fin entre les chaînes. Ce sont des pays, particulièrement l’Angleterre, très avancé en termes de commerce électronique.

Des commentaires ou quelque chose à aborder que nous n’avons pas encore touché.

Je pense qu’un autre problème majeur qui posera des défis pour l’exécution des commandes en ligne en magasin, c’est le manque de main d’œuvre. Des employés disponibles pour faire la cueillette sont nécessaire pour exécuter des commandes en magasin. C’est là où le centre de distribution automatisé ou robotisé va prendre toute sa force. Les magasins auront des enjeux pour trouver toutes les ressources requises pour faire cela. Surtout des ressources qui le feront de la bonne façon.

Les ressources humaines restent un problème propre à toutes les industries pour l’avenir. Le commerce électronique sera probablement frappé par cela aussi. Il faudra inventer des méthodologies d’assemblage et de logistiques vraiment perfectionnées en magasin pour pouvoir assembler plusieurs commandes à la fois et réduire le nombre de ressources.

Un employé a l’avantage de pouvoir prendre des décisions rapidement en cas de problème, par exemple, pour choisir un article équivalent en cas de substitution. Cependant, certain système arrive maintenant à faire cette gestion et à proposer des articles de substitution efficacement. Par exemple, si un client achète 1L de boisson gazeuse, mais qu’un problème d’inventaire survient, il le remplacera par 2L de la même marque de boisson gazeuse. Ce qu’ils veulent éviter, ce sont les deuxièmes livraisons parce que c’est là que l’épicerie perd son argent.

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